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Face à la nécessité sanitaire de rester chez soi, les métiers essentiels, tels que les services venant en aide aux sans-abris, ont été rendus plus visibles, notamment par la mobilisation des travailleur.ses du secteur et leur nécessité sur le terrain. Même s’il faudra encore quelques mois pour avoir le recul nécessaire, l’AMA dresse un premier bilan “à chaud” de ce qu’il s’est passé pour le secteur sans-abri et sur les perspectives d’avenir. 

Au fil des semaines de la crise ‘COVID-19’, la Fédération des maisons d’accueil et des services d’aide aux sans-abri (AMA) a été constamment en contact avec ses membres. Au travers des écrits, des témoignages et des images que nous avons récoltés (voir également la page de notre site « La vie des services durant le confinement »), nous avons voulu mettre en lumière la créativité des équipes, présentes sur le terrain malgré toutes les incertitudes que cette crise a engendrées. Au cours des rencontres (virtuelles!) avec les travailleurs.euses, une multitude de constats ont été posés et des pistes d’avenir lancées.

“Restez chez vous” : pas pour les services d’aide aux sans-abri !

Du chamboulement à l’adaptation et la créativité

Les services du secteur de l’aide aux sans-abri ont continué à travailler ardemment durant cette période de crise, de remise en question et de renforcement des inégalités. Les centres d’accueil de jour, les services de travail de rue et d’accompagnement en logement, les abris de nuit, les maisons d’accueil et de vie communautaire ont dû adapter constamment leur fonctionnement, afin de continuer à répondre aux besoins des personnes qu’ils.elles rencontrent et à les accueillir dans les meilleures conditions possibles.

Dans un premier temps, c’est la santé des personnes accompagnées et des travailleurs.euses qui a fait l’objet de la plus grande attention. Cela s’est traduit par un aménagement au niveau de l’infrastructure, la disposition des bureaux et des espaces communautaires, les déplacements, l’horaire des travailleur.ses, les activités extérieures et intérieures, les interventions… Tout a dû être repensé afin de respecter les mesures sanitaires. 

Face au nombre croissant de recommandations émanant des administrations et des instances officielles telles que Sciensano (parfois en décalage avec l’organisation habituelle des centres, voir contradictoires les unes avec les autres), le secteur de l’aide aux sans-abri a dû faire preuve de créativité et composer avec sa réalité de terrain. Les travailleur.ses ont dû réagir vite malgré l’absence de matériel de protection et être beaucoup plus présent.es sur le terrain pour accompagner les personnes en difficultés et les soutenir durant la période de confinement.

Dans les lieux d’accueil collectifs (centres d’hébergement, centres d’accueil de jour…), la distanciation physique n’a pas été évidente à mettre en place, les locaux étant souvent exigus. Plus particulièrement, les services d’accueil de jour ont dû complètement adapter leur manière d’accueillir afin de respecter les mesures sanitaires tout en continuant à accompagner les personnes. Certains services ont été contraints de fermer leur espace communautaire et ont organisé des distributions devant leur porte, d’autres ont limité l’accès à un nombre maximum d’usagers.ères, fixé des rendez-vous, organisé des maraudes…

“Va-t-on devoir sélectionner des personnes à l’entrée ? On n’a jamais fonctionné comme ça… D’habitude on ne refuse personne. Si on ne peut accueillir qu’un nombre maximum de personnes, on continuera les maraudes” 

Témoignage de la coordinatrice d’un service d’accueil de jour

En Région wallonne et à Bruxelles, de nouveaux lieux, plus adaptés en terme d’espace, ont été ouverts en collaboration aves plusieurs associations, afin de maintenir l’accessibilité des services de premières nécessités de jour comme de nuit.

De plus, l’opinion de chacun.e diffère face à la maladie : les un.es sont très prudent.es, les autres moins. Les tensions et angoisses liées à la crise ont ainsi être exacerbées. Les travailleur.ses ont consacré beaucoup de temps à expliquer aux personnes qu’ils.elles accueillent les mesures et les décisions prises par le gouvernement, ainsi que celles prises par leur institution pour faire face à la situation. Au final, ce travail nécessaire de sensibilisation et d’information a pris énormément de place dans le travail quotidien d’accompagnement.

“Notre travail s’articule autour d’un public plus exposé, plus fragile, étant peu ou mal informé sur la crise sanitaire. Ils sont donc beaucoup moins sensibilisés aux mesures de précaution”. 

“La distanciation physique n’est pas logique pour ce public qui vit ensemble dans la rue”.

Témoignages de travailleurs de services d’accueil de jour

Au sein des maisons d’accueil et de vie communautaire, les familles sont présentes 24h sur 24. Dès lors, laccompagnement des enfants présents dans les centres a dû également être repensé entièrement. Les équipes ont dû se réinventer afin de prendre le relais suite à la fermeture des écoles de devoir, encadrer les apprentissages à distance, créer de nouvelles activités et soutenir les parents. Comme l’ont souligné.es certain.es travailleur.ses, ce fut l’occasion de renforcer le soutien aux familles et de travailler plus profondément sur le lien parents-enfants.

De manière générale, l’hébergement et l’accueil de personnes précarisées nécessite de répondre à des normes architecturales et d’hygiène importantes, afin de proposer des espaces accueillants et dignes. Ces exigences ont été revues à la hausse face à la crise sanitaire. Le personnel de nettoyage et ouvrier a ainsi été fortement mobilisé. Les services n’auraient pas pu imaginer continuer à fonctionner sans eux.elles. Un travail titanesque a été réalisé pour que les centres puissent être quotidiennement nettoyés, désinfectés et maintenus ouverts.

Les services de travail de rue ont également dû complètement adapter leur manière de travailler, par exemple en distribuant des téléphones portables aux personnes vivant en rue afin de ne pas perdre le contact. Les travailleur.ses ont rencontré plus de situations de détresse et de survie. Quand le « stay at home » résonnait partout, les survivant.es de l’espace public n’étaient plus seulement victimes de leur situation et laissés pour compte, mais aussi pénalisés car ils.elles se trouvaient “dehors”. Une des priorités des équipes mobiles fut donc de garder le lien avec elles.

De manière analogue, les services d’accompagnement à domicile ont dû trouver le moyen de rester en contact avec les personnes suivies dans leur logement. Les travailleur.ses ont partagé leurs craintes face aux risques accrus de décompensation des personnes et des familles, déjà dans une situation de fragilité avant la crise, et désormais isolées dans leur logement. Des entretiens téléphoniques ont été, dès lors, mis en place de manière récurrente afin de maintenir l’accompagnement.

Le déconfinement progressif, qui a débuté au mois de mai, n’a pas rendu les choses plus simples. Il s’est même avéré, à certains égards, encore plus complexe que le confinement.  Il a fallu réadapter les mesures de prévention et d’hygiène – voir les rendre plus strictes -, organiser l’accueil sécurisé de nouvelles personnes, s’assurer de la sécurité du groupe, reprendre contact avec l’extérieur, gérer les peurs que ce contexte pouvait engendrer… Il n’existait pas de manière claire de procéder, de solution « toute faite ». De nombreuses heures ont été vouées aux réunions, discussions, concertations, remises en question, à la création et la mise à jour quotidienne de protocoles de déconfinement et des recommandations. Toute cette énergie a été déployée pour créer le cadre le plus sécurisant et bienveillant pour tou.tes.

Une nouvelle manière d’accompagner et tisser du lien

Parallèlement, pour certains services, cette crise inédite a permis de prendre du recul sur leur fonctionnement. Le travail d’accompagnement social est en effet un travail d’écoute et de proximité, qui a dû être réinventé face aux mesures sanitaires. Si certain.es travailleur.ses ont témoigné de leur difficulté d’accompagner des personnes en appliquant des mesures de distanciation strictes, d’autres ont saisi cette occasion pour repenser et réadapter leur projet pédagogique, leur règlement d’ordre intérieur, leurs valeurs, leurs missions, leurs collaborations…

Au niveau des règles, nous avons décidé de ne plus mettre un terme à l’hébergement d’une personne ayant consommé dans la maison. Plutôt que de sanctionner, nous en faisons « quelque chose », mais qui est adapté à la situation de la personne ainsi qu’à la façon dont son hébergement se passe globalement. (…) Continuer nos pratiques nous faisaient clairement passer à côté d’un pan important de notre mission d’accompagnement car ces règles, pour toutes pertinentes qu’elles puissent paraître théoriquement, ne permettent pas un travail intéressant et constructif avec la personne.

Témoignage d’un travailleur de maison d’accueil

Durant le confinement, une partie du public sans abri qui fréquentait les services d’aide a disparu des radars des associations.  Néanmoins, un autre type de public est également apparu : des personnes qui, en temps normal, parviennent à se débrouiller via leur réseau (amis, familles, aide alimentaire…) se sont retrouvées du jour au lendemain sans solution, face aux portes fermées ou au fonctionnement a minima de nombreuses associations. Ce public a alors, parfois pour la première fois, poussé la porte d’un service d’aide. Les équipes ont également constaté une présence accrue de personnes travaillant au noir ou de travailleur.ses du sexe, ayant perdu leur emploi soudainement. Ainsi, de nouvelles demandes ont été formulées et de nouveaux liens se sont tissés.

Avec le retour progressif à la “normale”, les travailleur.ses sociaux.ales ont tenté de reprendre contact avec ceux.celles qui avaient été perdu.es de vue, de recréer la confiance qui avait été mis à mal et de remettre en place un travail d’accompagnement.

Inévitablement, les activités extérieures et les démarches sociales ont dû être suspendues. La notion de « temps » elle-même a changé, évoluant vers un temps “suspendu” et partagé, où les travailleur.ses sociaux.ales ont pris le temps d’être à l’écoute des personnes, de leurs craintes, de leurs besoins, de leur vécu durant cette période difficile. Un autre type de rencontre a été possible, une autre dynamique insufflée. Les liens ont été ainsi renforcés, tant entre les membres de l’équipe qu’avec les personnes accompagnées.

On est tous dans la même galère, que ce soit travailleurs ou hébergés.

Phrase prononcée par un intervenant lors d’une réunion en visioconférence de l’AMA

Les travailleur.ses ont constaté que leurs postures professionnelles et les dynamiques internes ont été fortement altérées. Néanmoins, cela a permis une métamorphose au sein de certaines collectivités :

“Habituellement, les travailleur.ses interviennent directement auprès des hébergées et “font à la place de”. La distanciation sociale a permis à l’équipe de prendre de la distance et d’être plus dans l’observation. Cela a permis à nos hébergées de grandir en autonomie.” Témoignage d’une directrice de maison d’accueil pour femme et enfants.

“Pour certaines maisons, le confinement a permis aux hébergés de s’approprier et de s’impliquer dans le fonctionnement de la structure. Des groupes se sont pris plus en mains et ont développés leur autonomie”.

Une grande solidarité

La pandémie du coronavirus a permis de dévoiler une solidarité existante à tous les niveaux : au sein des équipes, entre les personnes accueillies mais aussi entre associations sans oublier les soutiens des citoyens.ennes. Des partenariats ont été créés, d’autres renforcés.  Les services ont mutualisé leurs ressources, ceux disposant de plus grands moyens d’actions appuyant parfois les plus petites structures :

  • Dans la Province du Luxembourg, les maisons d’accueil de Banalbois, La Moisson, La Maison du Pain, Le Tremplin, Soleil du Coeur et Proximam ont regroupé leurs ressources afin de soutenir l’abri de nuit Soleil d’hiver dans la création d’un dispositif supplétif d’accueil 24h sur 24, permettant une mise à l’abri des personnes mais aussi le maintien du lien et de l’accompagnement social
  • A Bruxelles, le centre d’accueil de jour Jamais Sans Toit a assuré la livraison des repas concoctés à RestoJet dans de nombreux autres services bruxellois
  • Dans la Province du Brabant wallon, la maison d’accueil pour femmes et enfants Maison maternelle du Brabant wallon a détaché du personnel vers le service d’accueil de jour Un Toit Un Coeur afin qu’il puisse rouvrir ses portes
  • Afin de lutter contre la pénurie de masques, le service d’accueil de jour La Fontaine à Bruxelles propose aux usagers et aux autres services de nettoyer les masques réutilisables
  • A Bruxelles, les travailleur.ses de Rolling Douche (service de travail de rue) et de Source-La Rencontre (centre d’accueil de jour) ont été détaché.es au sein du centre Jacques Brel (service de jour ouvert en avril en collaboration avec Médecins du Monde), afin d’appuyer le travail réalisé dans l’accès à l’hygiène
  • Un nouveau centre pour victimes de violences conjugales et intrafamiliales a ouvert à La Louvière, grâce à un partenariat entre La maison d’accueil Solidarités Femmes, le CPAS de La Louvière et la Province de Hainaut
  • Bruss’Help, en région bruxelloise, et les Relais sociaux urbains, en région wallonne, ont été des organismes de coordination essentiels, veillant à soutenir les services et à maintenir la cohérence et l’efficacité des actions mises en places durant cette période de crise

Bien d’autres partenariats ont été mis en place, nous ne pourrions tous les citer ici. Ces quelques exemples illustrent, néanmoins, à quel point les acteur.trices du secteur de l’aide aux sans-abris se soutiennent et mettent en place des pratiques innovantes. De la mutualisation financière à l’hébergement, en passant par la confection et à la distribution de repas, les services se serrent les coudes !

Des réquisitions aux solutions durables

Dès les premières semaines du confinement, des hôtels, des stades sportifs, d’anciennes maisons de repos, des auberges de jeunesse ont été mobilisés/réquisitionnés afin de mettre à l’abri, confiner ou soigner les personnes sans abri. Ces hébergements, initiés par les pouvoirs publics ou par des associations de terrain, ont été activés très rapidement afin de répondre à l’urgence sociale que la crise a mis en avant. Ces solutions, bien que temporaires, ont permis aux personnes d’y trouver un lieu où se poser, avoir la clé de leur chambre, avoir leur « chez soi ».  Ce qui a permis aux travailleur.ses d’entamer avec elles un travail plus profond de remise en ordre administrative, d’accès aux soins de santé, de recherche de logement… C’est une expérience qui a pu être extrêmement porteuse et constructive.

Néanmoins, ces solutions ne doivent pas être pensées uniquement pour la période de la COVID-19. Elles ont en effet montré qu’autre chose était possible, et qu’un “retour à l’(a)normal” serait inacceptable.  Loin d’être suffisantes, il va falloir se saisir de tout ce qui a été mis en place pour aller plus loin. 

Le sans-abrisme et la précarité sont des phénomènes qui existaient bien avant la crise sanitaire et qui restent toujours aussi intolérables. On constate pourtant un manque criant de solutions durables de sortie pour les personnes qui “tombent” dans le sans-abrisme. Les services venant en aide aux personnes précaires ou sans-abris constituent “le dernier filet de sécurité”, mais en sortir reste un véritable parcours du combattant.  C’est pourquoi, depuis plusieurs années, l’AMA et ses membres soulignent le besoin urgent de davantage de logements abordables et de qualité!

A suivre…

La crise sanitaire actuelle a mis en lumière l’importance du travail réalisé par les équipes des services d’aide aux sans-abris, dans le but de soutenir les personnes en difficultés sociales, que ces difficultés soient préexistantes à la crise ou accentuées par celle-ci. L’ensemble des intervenant.es du secteur sans-abri se sont mobilisé.es quotidiennement et continuent à le faire, afin d’accueillir et d’accompagner les personnes qu’ils.elles rencontrent. Les infrastructures, les missions, le public cible, les projets pédagogiques de chaque service diffèrent, répondant ainsi aux multiples problématiques rencontrées par les personnes en difficulté.

Ces prochains mois permettront de prendre du recul sur tout ce qui vient à peine de nous arriver, sur les enjeux et les conséquences à moyen et à long terme. Un moment de réflexion s’impose, afin de savoir ce que nous retiendrons de cette crise, et ce que nous ne voulons plus reproduire !

L’équipe de l’AMA

Zaila Van der Steen ‘Er was niemand op straat, behalve daklozen’

Toen de corona-lockdown hen overviel, moesten de straathoekwerkers van Diogenes niet lang nadenken wat te doen. “Wij willen gaan zien hoe het met de daklozen gesteld is”, zegden ze en voegden de daad bij het woord. Témoignage de Zaila Van der Steen, travailleuse de rue à Diogène, à lire ici

Les « héros » du social craignent surtout l’avenir

Les travailleurs sociaux et les bénévoles qui sont restés sur le terrain pendant l’épidémie ont dû lutter contre le stress, la peur, la fatigue. La grande majorité a résisté au virus comme à l’épuisement professionnel. Les digues personnelles ont tenu. Pour le moment, car ce sont le déconfinement et la crise sociale à venir qui pourraient donner le coup de grâce. A lire ici

Chronologie de la crise

En Région bruxelloise

En Région wallonne

L’ASBL AMA

Créée en mai 1968, la Fédération des maisons d’accueil et des services d’aide aux sans-abri (AMA) fédère des institutions assurant l’accueil, l’hébergement et l’accompagnement d’adultes et de familles en difficultés psychosociales mais aussi des personnes morales ou physiques actives dans le domaine de l’aide et de l’accueil de personnes en grande précarité sociale.

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BRUXELLES

13 Rue des Champs Élysées – 1050 Bruxelles

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