Les services accompagnant des personnes sans chez-soi sont parfois le théâtre de violences : tensions, agressions, conflits,…
L’aide aux sans-abri synonyme d’urgence sociale ?
La lutte contre la pauvreté et plus spécifiquement l’aide aux sans-abri sont-elles au cœur des déclarations de politique gouvernementale ? Les acteurs interrogés sont mitigés.
À Bruxelles, l’accord de la Commission communautaire commune (Cocom) est assez léger. Une quinzaine de pages, une septantaine de grammes tout au plus. Quelques lignes suffisent pour évoquer, sous les titres « urgence sociale et dispositif hivernal » et « familles en errance », la volonté du Collège réuni de « développer une politique forte et performante pour résoudre la situation du sans-abrisme ». Parmi les grands axes de cette politique : le Samusocial est désigné coordinateur de l’accueil des sans-abri. Ici et là, on imagine qu’il s’agit bien de la coordination du plan hiver, davantage que du secteur en tant que tel. Mais le texte demeure flou. Si une coordination du plan hiver est accueillie plutôt positivement – elle était considérée comme nécessaire –, ce rôle n’est pas défini. La coordination, au niveau du terrain, c’est bien, ajoutent certains, mais c’est aussi entre les différents niveaux décisionnels que c’est nécessaire. Un type de coordination qui ne figure pas dans l’accord.
« On ne retrouve rien (dans l’accord) si ce n’est l’hiver et le Samusocial », commente Christine Vanhessen, directrice de la Fédération des maisons d’accueil et des services d’aide aux sans-abri (AMA). Rien, en effet, sur les autres acteurs du secteur, sur les projets pilotes qui y sont menés, sur le travail d’appui et de recensement de données réalisé par la Strada… Selon Zoé Genot (Écolo), qui s’exprimait lors du débat parlementaire du 22 juillet dernier, il s’agit d’« un chapitre taillé sur mesure pour le Samusocial ». « Je suis content que l’urgence sociale ait des moyens importants pour fonctionner, renchérit Laurent Van Hoorebeke, directeur de la Strada. Mais on ne fait pas fonctionner un hôpital uniquement avec son service d’urgence. » Quid de la prévention ? Quid de l’aval, c’est-à-dire réussir à faire sortir les personnes vulnérables du circuit de l’urgence sociale ? Le désenchantement semble habiter une partie du secteur, qui ne sait à quelle sauce il va être mangé.
Gregory Polus, directeur opérationnel du Samusocial, se réjouit quant à lui des moyens supplémentaires qui seront débloqués tant pour la période hivernale que pour la prise en charge des familles tout au long de l’année. « Entre un accueil à court terme et des solutions structurelles à long terme, l’accord est équilibré. » Il attend lui aussi des précisions quant au nouveau rôle que devra jouer le Samusocial à l’avenir.
L’accord Cocof est mieux accueilli. Outre le « maintien aide alimentaire à un niveau suffisamment élevé », ce dernier mentionne notamment le renforcement des moyens des maisons d’accueil « dans le cadre des moyens budgétaires disponibles ». Point intéressant, on y parle davantage de « synergies » : une articulation avec l’hébergement, le logement et l’ambulatoire notamment. En ce sens, le fait que le logement et l’aide aux personnes se concentrent à Bruxelles, pour la première fois depuis quelques législatures, dans les mêmes mains (soit celles de Céline Frémault) devrait permettre plus de cohérence.
La pauvreté de la lutte contre la pauvreté
Côté wallon, l’accord ne laisse, lui aussi, que peu d’espace à la lutte contre la pauvreté. Un accord « très pauvre », selon Catherine Vanhessen, « assez ténu », selon Isabelle Paul, la nouvelle coordinatrice générale du relais social de Charleroi. En gros, le nouveau gouvernement s’engage à continuer l’existant, mais n’envisage que peu de nouveautés (continuer à soutenir les actions d’accueil dans les abris de nuit, et, en fonction des budgets disponibles, initier une politique de relogement prioritaire Housing First). Le financement structurel des abris de nuit souhaité – mais sans cesse remis – dans les accords précédents verra-t-il le jour ? Rien ne le garantit… Quant au « plan de travail pour les plus précarisés » qui devrait être fixé par le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté, les relais sociaux wallons souhaiteraient y être associés, souligne aussi Isabelle Paul.
Le secteur est aujourd’hui dans l’expectative de ce que va lui réserver le fédéral. « Nous avons des postes en suspens », explique la coordinatrice du relais social carolorégien. Du fédéral dépend aussi l’arrivée de moyens pour lancer le plan grand froid, qui ne démarre que dans deux mois…, ajoute-t-elle au passage.
Alter Échos n° 387-388 28 août 2014 Marinette Mormont
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