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« Pauvrophobie »: une encyclopédie pour comprendre la pauvreté au-delà des clichés

Les pauvres ? « Ce sont des profiteurs » ! « Des assistés » ! « Si les sans-abris veulent sortir de la rue, il y a des dispositifs pour les aider ! » « En Belgique, il y a du travail ! Qui cherche trouve. » « Les étrangers volent le travail des Belges ». Ces phrases, vous les avez sans doute déjà entendues. Peut-être prononcées vous-mêmes ? Ce sont des idées reçues qui collent à la peau des personnes en situation de pauvreté. Mais sont-elles fondées ? Est-ce qu’elles disent vrai ?

https://www.rtbf.be/auvio/detail_la-pauvrophobie-contre-les-cliches?id=2410450

La pauvrophobie, ce mépris social par rapport aux personnes qui vivent la pauvreté 

Ces clichés circulent et favorisent ce que l’on appelle aujourd’hui la « Pauvrophobie« . Nicolas de Kuyssche, directeur du Forum-Bruxelles contre les inégalités explique que ce néologisme a été inventé par ATD Quart Monde France, et que « ce n’est pas tant la peur que ce concept dénonce, c’est plutôt ce mépris social, d’hostilité et de distanciation de toute une partie de la société par rapport aux personnes qui vivent la précarité ou la pauvreté ».

Pour faire reculer la pauvrophobie, le Forum-Bruxelles contre les inégalités a donc voulu creuser ces idées reçues, les confronter à des chiffres. Bref, faire du fact-checking. Dans son encyclopédie « Pauvrophobie« , 85 clichés sont passés à la loupe par des chercheurs, des spécialistes, des associations, des institutions publiques aussi. « On s’aperçoit que la pauvreté devient de plus en plus une nébuleuse de stéréotypes, de fake-news », détaille Nicolas de Kuyssche. « On a tous des idées reçues, et c’est normal, c’est notre manière d’appréhender le monde. Le problème, c’est quand on ne les remet pas en question mais c’est aussi quand les institutions publiques ou les responsables politiques commencent à jouer et à travailler à partir de ces fausses représentations de la pauvreté. On se dit que si l’on comprend mal les pauvres ainsi que les phénomènes de pauvreté, on va leur apporter des mauvaises réponses. »

85 clichés à déconstruire, à nuancer

L’encyclopédie « Pauvrophobie » reprend donc 85 clichés, souvent provocateurs. Voyez plutôt : « Les étrangers refusent de s’intégrer ». « Les pauvres dépensent tout leur argent en drogue, en alcool et en médicaments. » « Les bénéficiaires des logements sociaux sont des profiteurs. »

Focus sur quatre clichés en particulier

« La protection sociale est trop généreuse, elle n’incite pas les gens à chercher du travail »

Autrement dit, les allocations de chômage seraient trop élevées par rapport aux salaires. Mais est-ce que c’est vrai ?

Thomas Lemaigre a travaillé sur la question, il est chercheur et codirecteur de la Revue Nouvelle : « C’est à la fois vrai et faux, comme toujours. Dans la réalité, on remarque que c’est peut-être vrai mais pour 4 ou 5% des chômeurs, ceux qui sont au début de leur période de chômage et qui ont des allocations dont le montant est calculé en fonction de leur ancien salaire. Mais pour la plupart des chômeurs, et c’est de plus en plus vrai avec les réformes récentes, l’allocation de chômage est vraiment plus bas que le salaire minimum interprofessionnel, etc. Et même chose pour d’autres allocations, comme les allocations du CPAS ».  

Des chiffres qui nuancent donc cette idée reçue. Le frein pour retrouver le marché du travail est parfois ailleurs, selon Thomas Lemaigre :  » Il n’y a pas que l’aspect monétaire qu’il faut prendre en compte. Retourner sur le marché de l’emploi, ça implique parfois de racheter une voiture, payer une garde pour les enfants, se déplacer, se former, racheter des vêtements et c’est une série de choses qui peut jouer ». 

« Les étrangers volent le travail des Belges » 

« C’est totalement faux », explique Nouria Ouali, professeur à l’ULB, « parce qu’en réalité les étrangers n’occupent pas les mêmes segments du marché du travail que les Belges. Ils sont plutôt dans des segments les plus vulnérables. Par exemple : dans l’HORECA, les restaurants, les cafés, les hôtels. Là, ce sont souvent des femmes noires, d’origine marocaine ou turque qui travaillent. Le nettoyage industriel, c’est pareil. Donc ce sont des postes difficiles, avec des horaires coupés, un travail qui peut être salissant et dont les nationaux ne veulent pas. »

Selon des études européennes, c’est d’ailleurs l’inverse : « En occupant ces emplois qui sont délaissés par les populations locales, ils permettent la promotion des nationaux, ils permettent une mobilité sociale des personnes qui ont des diplômes, des niveaux de qualification supérieurs etc. », rajoute Nouria Ouali. 

 « Les pauvres, ils achètent n’importe quoi ! Ils consomment de manière irréfléchie, le paraître est très important pour eux »

Vrai ou faux ? La question n’est pas vraiment là pour Thomas Lemaigre, chercheur et codirecteur de la Revue Nouvelle : « On a remarqué dans des interviews que l’on a faites avec des bénéficiaires de services sociaux que dans les accidents de la vie qui vous enfoncent dans la pauvreté, c’est une ressource pour les gens de garder leur niveau de consommation alors que leurs revenus s’écroulent. Tout simplement pour garder la face, pour se donner à soi-même des gages qu’on est pas en train de devenir moins que les autres ». 

« Les sans-abris utilisent l’argent qu’on leur donne pour s’acheter à boire ou pour se droguer »

Il y a peu d’études en Belgique sur ce sujet. Eric Husson est coordinateur du projet Lama, qui mène un accompagnement thérapeutique de toxicomanes en milieu urbain. Il s’appuie donc sur une étude française réalisée par le sociologue François Beck pour déconstruire ce cliché : « On associe souvent le sans-abri avec une canette de bière, une bouteille de vodka. Il y a des études qui montrent que la population de sans-abris ne boit pas plus que la population dans son ensemble. C’est donc un lieu commun de penser ça ».

Cela dit, quand on est en situation d’exclusion et que l’on souffre, psychiquement et socialement de cette exclusion, « une réponse que l’individu peut formuler, c’est de consommer des produits tout simplement parce qu’ils peuvent avoir un effet anti-douleur. Ils peuvent permettre de prendre un décalage avec la réalité et cela peut permettre à quelqu’un de tenir le coup », explique Eric Husson. « A partir du moment où ces gens qui sont en situation d’exclusion trouvent un logement, on fait le constat que la situation de la personne s’améliore. Elle peut se distancier de cette consommation problématique qu’elle a eue en situation de rue. »

En parcourant les 85 clichés démontés de l’Encyclopédie « Pauvrophobie« , on comprend que les situations sont souvent beaucoup plus complexes que l’on ne pense. Mieux les comprendre, cela permettrait selon le Forum-Bruxelles contre les inégalités de leur apporter une réponse beaucoup plus adaptée.

Robin Cornet et Aline Wavreille

Publié le mardi 16 octobre 2018 Mis à jour le mercredi 17 octobre 2018 à 10h50

https://www.rtbf.be/info/regions/detail_pauvrophobie-une-encyclopedie-pour-comprendre-la-pauvrete-au-dela-des-cliches?id=10047784

L’ASBL AMA

Créée en mai 1968, la Fédération des maisons d’accueil et des services d’aide aux sans-abri (AMA) fédère des institutions assurant l’accueil, l’hébergement et l’accompagnement d’adultes et de familles en difficultés psychosociales mais aussi des personnes morales ou physiques actives dans le domaine de l’aide et de l’accueil de personnes en grande précarité sociale.

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