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Oui, on peut se retrouver à la rue tout en ayant des revenus : voici l’histoire de Kevin

Kevin, un Liégeois de 31 ans, est aujourd’hui sans-abri. Pourtant, il a des revenus : il touche 850€ du chômage. Mais son problème, c’est qu’aucun propriétaire privé n’accepte de lui louer un logement, et qu’il n’entre pas dans les conditions de priorité pour pouvoir obtenir un logement social. Voici son histoire « qui pourrait arriver à tout le monde ».

Ce n’est pas la première fois que RTLinfo traite ce problème. Se loger quand on n’a que peu de revenus est devenu de plus en plus difficile dans notre pays, car certains propriétaires pratiquent ce qui s’appelle de la discrimination sociale. Jusqu’il y a peu, contrairement à la discrimination raciale ou sexuelle, elle n’était pas punissable par la loi puisqu’aucune jurisprudence n’existait. C’est cependant le cas depuis mai 2015. Désormais, un propriétaire ne peut plus exclure des candidats locataires à priori sur base de l’origine de leurs revenus (chômages, CPAS, …). Mais cela reste très difficile à prouver et demande d’engager des frais en justice, ce que les locataires à faible revenus ne peuvent pas toujours se permettre.

A cette difficulté de trouver un logement dans le privé, ajoutez la liste d’attente des logements sociaux qui est de 28.000 à 38.000 ménages par an pour toute la Wallonie, et vous obtenez la situation de Kevin : impossible de se loger.

Constat: tous les propriétaires contactés refusent même de le rencontrer

« Je lance un appel à l’aide », nous a-t-il envoyé via notre bouton orange Alertez-nous. « J’habitais depuis plusieurs années un logement à Flémalle dont le loyer était de 375€. Mais cette année, mon propriétaire a vendu le bâtiment et le nouveau y a commencé des travaux. J’ai donc dû partir. »

En apprenant la nouvelle, Kevin a commencé à rechercher un nouveau logement, en vain. « Je n’ai pas assez d’argent de côté pour une garantie locative. C’est le CPAS qui, vu ma situation, accepte de se porter garant. Ils m’ont remis une lettre de caution », une formalité légale dans laquelle le CPAS s’engage par écrit à l’égard du propriétaire à intervenir en cas de problème à la fin du bail.

« Tous les propriétaires auxquels j’ai téléphoné ont même refusé de me faire visiter. Je n’ai même pas eu besoin de dire que j’étais au chômage, c’est la garantie du CPAS qui pose problème. Ils n’en veulent pas, aucun. Un m’a même dit : ‘J’ai pas envie de me casser le cul avec cette paperasse’ », déplore Kevin.

Problème 1: les propriétaires ont peur des garanties locatives du CPAS

Bénédicte Delcourt, la directrice du syndicat national des propriétaires et copropriétaires, en convient : « Oui, il s’agit malheureusement d’une discrimination. » Mais uniquement parce que ces propriétaires n’ont pas voulu lire en détail la lettre du CPAS.

Car c’est là que le bât blesse. « La loi prévoit en effet que les CPAS peuvent fournir une garantie locative. Mais dans les faits, je dirais que 90% des CPAS ne suivent pas cette loi à la lettre. La plupart fournissent des documents disant qu’ils couvrent pour un montant maximal X, mais uniquement pour les dégâts locatifs. Pas pour les loyers ou charges impayés, les indemnités de rupture de bail anticipé ou autres. Et dans ce cas, un bailleur a tout à fait le droit de refuser ce locataire puisque la garantie locative du CPAS ne respecte dès lors pas les conditions du contrat de bail. »

C’est un gros sujet de préoccupation pour les propriétaires. « J’ai des dizaines de propriétaires qui m’appellent chaque semaine pour ça », explique Bénédicte Delcourt. Et donc si elle comprend bien la détresse de Kevin –« Il doit se sentir complètement rejeté et discriminé, ce que je comprends »-, elle explique pourquoi désormais, beaucoup de bailleurs coupent court dès qu’ils entendent « garantie du CPAS » au téléphone. Puisque 9 fois sur 10, elle ne les couvrira pas correctement.

Problème 2: aucun logement disponible dans toute la Belgique à 30% de ses revenus

Mais même si Kevin parvenait à passer l’écueil de la garantie locative, il lui resterait un problème de taille : ses capacités financières. Le jeune homme touche 850€ du chômage. Et Mme Delcourt l’explique : « En général, on fixe la limite à 30% des revenus. C’est une limite qui vient initialement des organismes de crédit, mais qui est applicable pour les loyers. Refuser un locataire parce que le loyer demandé dépasse le tiers de ses revenus ne sera jamais considéré comme de la discrimination », confirme-t-elle.

Tout bailleur dont le loyer demandé dépasserait 283€ par mois pourrait donc légalement lui refuser le bail. Cela ne laisse pas beaucoup de possibilités à Kevin. Une rapide recherche sur le site d’annonces immobilières le plus visité de Belgique montre qu’à ce prix-là, on ne trouve que des chambres et kots pour étudiants, ou des chambres en séniories pour les personnes âgées. Sur 37 résultats pour toute la Belgique… aucun ne pourrait accueillir Kevin. Le jeune trentenaire devra donc compter sur le bon vouloir et la confiance des propriétaires, lui qui cherche un logement dont le loyer ne dépasse pas 400€ par mois. Et à ce prix-là, mieux vaut s’éloigner des grandes villes si on veut trouver quelque chose…

Problème 3: pas assez de points pour bénéficier d’un logement social

Dans cette situation catastrophique, l’espoir de Kevin aurait été de pouvoir bénéficier d’un logement social. Il y en a quand même entre 102.000 et 103.000 dans toute la Wallonie, répartis entre 64 sociétés locales. Mais quand il est allé s’inscrire auprès de l’Habitation Jemeppienne, celle de sa commune, il a aussi dû déchanter. « Je n’ai droit qu’à 5 points (sur un maximum de 16, ndlr), donc je ne suis pas prioritaire. Il n’y a pas de logement disponible pour moi », regrette-t-il.

En effet, les logements sociaux fonctionnent selon un système de points –que vous pouvez trouver dans cette brochure explicative– pour déterminer les personnes les plus prioritaires. De 3 à 5 points sont accordés en fonction des difficultés de logement du demandeur. Être sans-abri est forcément le pire des cas et permet donc à Kevin de « gagner » ses 5 points sur 5 dans cette catégorie.

Les critères d’octroi des logements sociaux pourraient changer bientôt

Ensuite, de 2 à 5 autres points sont accordés en fonction des revenus ou situations familiales difficiles (violences, handicaps,…). Mais les faibles revenus ne sont ici pris en compte que « si vous travaillez ou êtes pensionnés. Tirer ses revenus du chômage ou du CPAS n’entre pas en ligne de compte », dénonce Kevin, alors que ce sont les personnes les plus précarisées.

Pourquoi une telle différence entre les travailleurs à bas revenus et les personnes sans emploi ? C’est la question que nous avons posée à la Société Wallonne du Logement. Leur spécialiste nous explique que ce critère a été introduit en 2012. « A l’époque, la volonté était d’avoir plus de mixité » sociale dans les logements publics. « Mais ce critère avait déjà fait l’objet de nombreuses discussions » politique à l’époque, soulève-t-il.

Des discussions qui n’ont pas cessé depuis, puisque le ministre wallon du Logement Paul Furlan a l’intention dès cette année 2017 de réformer le système d’attribution des logements sociaux, dévoile son porte-parole. Le but ? « Mieux coller à la réalité », à la détresse de certaines familles, en « rendant du pouvoir décisionnel aux responsables » des logements sociaux, qui n’en disposaient plus suffisamment en raison des règles d’attribution de points.

Conseil: inscrivez-vous au plus tôt pour un logement social

Pour revenir à ces points justement, il en restait 6 à pouvoir obtenir par Kevin. Chaque année d’ancienneté depuis la première demande donne droit à 1 point avec un plafond après 6 ans. Mais cette donnée-là est malheureusement trop souvent ignorée ou sous-estimée par les personnes les plus précarisées.

Vous avez en effet tout intérêt à vous inscrire auprès de votre société de logement social locale dès que vous remplissez un des critères, et ce alors que vous avez toujours un bail. Cela vous permet d’engranger des points, au cas où. Car tout peut changer très vite. Kevin connaissait ce système, mais « je me disais que j’allais rester longtemps dans mon logement donc je ne me suis pas inscrit ». Aujourd’hui, il aurait eu 11 points et aurait peut-être une solution.

En attendant, « je vis dans ma voiture »

Au lieu de ça, il vivote et dépend de ses amis pour ne pas dormir dans la rue, lui et ses deux chiens. « Ils sont hébergés chez une connaissance et j’essaie d’aller les voir le plus souvent possible. Moi, je vis un coup chez l’un, un coup chez l’autre. Je dors aussi parfois dans ma voiture. »

Une situation intenable à long terme. Et tant qu’aucun propriétaire privé n’acceptera ses demandes, elle risque de se prolonger. A moins que la réforme qui devrait arriver dans les logements publics wallons ne le place plus haut sur la liste d’attente. Mais il ne s’agit toujours que d’un projet.

L’ASBL AMA

Créée en mai 1968, la Fédération des maisons d’accueil et des services d’aide aux sans-abri (AMA) fédère des institutions assurant l’accueil, l’hébergement et l’accompagnement d’adultes et de familles en difficultés psychosociales mais aussi des personnes morales ou physiques actives dans le domaine de l’aide et de l’accueil de personnes en grande précarité sociale.

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